Dans les labyrinthes mystérieux de la connaissance, la notion de "l'être" éclipse la simple existence pour embrasser une quête de réalisation profonde. Cette quête reconnaît en l'homme non pas un, mais cinq corps interconnectés, chacun reflétant une facette de la vaste diversité de la vie. Ces cinq corps – physique, instinctif, émotionnel, mental et imaginal – composent l'échelle de l'être, de la terre au ciel, du palpable à l'ineffable. Mais parmi eux, c'est le corps imaginal qui, telle une étoile polaire, guide l'homme vers sa destination ultime : l'union avec le Tout.
Au sein de la palette complexe de l'existence, le corps physique apparaît comme le tangible véhicule terrestre pour notre expérience de vie, éphémère et précieuse. Telle la quille d'un navire, il plonge dans la densité du monde matériel, nous permettant de naviguer à travers les eaux turbulentes du temps qui coule inexorablement.
C'est avec le corps physique que nous entamons le pèlerinage de la vie, explorant la richesse des sens : la vue qui embrasse les couleurs du lever de soleil, l'ouïe qui perçoit le murmure du vent dans les feuilles, le toucher qui capte la caresse d'un bien-aimé, le goût et l'odorat qui nous lient aux plaisirs de la nourriture et des parfums. Chaque sensation est une note dans la symphonie de notre existence, chaque action une danse avec le monde alentour.
Ce corps est également le sanctuaire de l'énergie vitale qui alimente nos mouvements et nos pensées. Il s'agit d'un temple dynamique, constamment en transformation et en échange avec l'univers, où les énergies subtiles sont distillées, transformées et intégrées dans le tissu de notre réalité personnelle.
Mais, bien que le corps physique soit manifeste, sa présence n'est qu'un battement de cœur dans le grand flux de l'éternité. Sa nature transitoire nous rappelle que, bien que nous soyons de passage sur cette Terre, notre voyage n'est qu'une fraction de l'immense trajet de l'âme. C'est par la reconnaissance de cette vérité temporaire que nous sommes invités à chercher au-delà des limites sensorielles, à aspirer à une compréhension plus profonde de notre être et à la fusion de notre essence avec le courant infini de la vie.
Ainsi, le corps physique devient ainsi un instrument précieux, accordé à l'instant présent, mais toujours orienté vers la transcendance. C'est à travers sa réalité éphémère que l'individu se mesure à l'éternité, trouvant en lui la force de persévérer dans l'aspiration spirituelle, et dans sa finitude, la sagesse de la révérence face à l'immortalité de l'esprit.
Le corps instinctif, cette facette de notre être profondément ancré dans notre animalité, est l'incarnation vivante de millions d'années d'évolution. Il est le témoin silencieux de la longue histoire de la vie sur terre, héritier d'une sagesse instinctive façonnée pour répondre aux impératifs de survie et de reproduction. Pourtant, l'évolution culturelle et technologique de l'humanité s'est accélérée à un rythme tellement soutenu que l'adaptation de nos instincts naturels peine à suivre le pas. Nous vivons dans une époque où les défis ne sont plus uniquement physiques ou environnementaux mais aussi profondément sociaux et psychologiques.
La capacité du corps instinctif à être reprogrammé par nos expériences est un atout majeur dans cette ère de changement rapide. Chaque expérience, qu'elle soit positive ou négative, laisse une empreinte sur notre constitution instinctive, nous poussant à nous adapter, à évoluer, à survivre. Mais dans le tourbillon de la modernité, nos instincts primitifs sont souvent détournés vers des fins moins vitales, cooptés par les forces du marché et les structures sociales qui valorisent l'avoir sur l'être, la comparaison sur l'expérience personnelle.
Ce conditionnement premier de la comparaison et de l'accumulation matérialiste crée une dynamique de perpétuel désir, une quête inlassable qui nous éloigne de l'authentique satisfaction. Enracinés dans un paradigme compétitif, nous perdons de vue les nécessités essentielles qui ont guidé l'évolution de notre corps instinctif : l'équilibre, l'harmonie, et la connexion intrinsèque avec le monde naturel.
Pour retrouver notre chemin vers la Lumière et pour continuer notre évolution consciente, il nous faut donc reconnaître et transcender notre part animal. Cela ne signifie pas supprimer nos instincts, mais les comprendre, les respecter et les intégrer dans une vision plus grande qui embrasse et dirige leur force vers notre développement spirituel. En faisant ainsi, nous ne nous libérons pas seulement des limitations imposées par un conditionnement primaire mais nous élevons l'instinct à un rôle de guide et de gardien sur notre chemin vers une réalisation plus complète de notre être.
La transcendance de cette part animale, loin d'être un renoncement, est un acte d'alchimie interne qui transforme la base brute de nos impulsions en un élan vers une harmonie supérieure. Elle ouvre la voie à une expression plus riche et plus profonde de la vie, où chaque pulsion instinctive devient un pas conscient vers la pleine réalisation de notre potentiel humain.
Le corps émotionnel est bien plus qu'un simple canal pour nos réactions affectives ; il est l'expression même du vivant, la toile vibrante sur laquelle se dessine la gamme entière de l'expérience humaine. Comme un océan en perpétuel changement, il oscille entre des vagues tumultueuses et des moments de tranquillité sereine, incarnant la dualité fondamentale de notre existence. Les émotions, dans leur essence la plus pure, sont l'écho de notre connexion avec la trame de la vie – elles sont ce qui nous lie les uns aux autres et à l'environnement qui nous entoure.
La richesse de ce corps émotionnel se manifeste à travers la capacité de l'homme à ressentir une gamme d'émotions qui va bien au-delà de la simple survie et touche à ce qui nous rend uniques. Les émotions tissent le lien entre notre corps physique, ancré dans le matériel, et notre âme qui aspire à des expériences transcendant les limitations physiques. Dans la joie comme dans la peine, dans l'amour comme dans la perte, le corps émotionnel est le théâtre d'une dynamique qui façonne non seulement notre perception individuelle mais aussi notre rapport au monde.
Chaque émotion est une vague qui, partant de l'intime, peut se propager et affecter l'entourage de celui qui la vit. L'émerveillement devant la beauté d'un coucher de soleil, la mélancolie au souvenir d’un amour perdu, la colère face à l'injustice, ou l'élan de solidarité dans le malheur commun sont des illustrations de la manière dont nos émotions nous rendent vivants et constituent le reflet de notre âme.
Dans sa profondeur, le corps émotionnel est donc un univers en soi, fluctuant et insaisissable, qui porte en lui la possibilité de l'évolution et de la guérison. Il nous demande de naviguer avec perspicacité et compassion, d'embrasser la pleine mesure de ce que c'est que d'être humain. En cultivant l'intelligence émotionnelle, nous apprenons à ne pas seulement être emportés par ces courants mais à les comprendre, à les diriger et à les utiliser pour enrichir notre voyage sur terre. Par le biais de cette compréhension, nous pouvons transformer les tumultes émotionnels en forces de croissance, d'adaptation et d'expansion de notre être.
Le corps mental est ce labyrinthe complexe où se trament nos pensées et nos réflexions, où se construisent nos théories et nos paradigmes. Il est le grand architecte de notre univers intérieur, sculptant dans le marbre de la cognition les formes innombrables de nos idées. Avec lui, nous analysons et décomposons le monde en parties compréhensibles, nous bâtissons des ponts entre le connu et l'inconnu à travers la conceptualisation et l'abstraction, nous explorons les frontières de la création humaine dans l'art, la science, et la philosophie.
Pourtant, malgré cet édifice impressionnant de la pensée consciente, le corps mental porte en lui une ironie fondamentale. Il cherche à définir, à circonscrire, à étiqueter, comme pour asseoir une maîtrise sur notre essence. Il croit en la délimitation et en la distinction comme moyens de compréhension ultime. Cependant, cette quête est intrinsèquement limitée, car le mental ne peut saisir que ce qui peut être fini et défini. Or, l'être est un continuum débordant la finitude de nos perceptions et définitions. Il est aussi vaste et incommensurable que l'univers lui-même.
La réalité de notre existence transcende la structure même de la pensée. Le mental, en tentant de nous définir, crée l'illusion de la séparation entre nous et le cosmos, entre l'individuel et le collectif. Cette séparation est un mirage, car en vérité, nous sommes une part indissociable de la totalité, interconnectés avec toutes les formes de vie et d'existence. Le mental, dans son habileté à circonscrire et à catégoriser, peut donc nous amener à oublier notre union fondamentale avec le tout.
Reconnaître que le mental n'est pas l'ultime définition de l'être est essentiel pour l'évolution spirituelle. C'est en accueillant la limitation du mental tout en cherchant à le transcender que l'on peut se rapprocher de la vérité de notre nature expansive. C'est un appel à intégrer la connaissance avec la sagesse, à reconnaître que la véritable compréhension échappe aux contours de la logique et réside dans l'expérience de l'indicible et de l'ineffable. Dans cet espace au-delà des mots et des concepts, nous touchons à la texture même de l'être, à cette réalité intangible qui est au cœur de toutes choses.
Le corps imaginal est souvent décrit comme le lieu de convergence des mondes, où le fini rencontre l'infini et l'imaginaire se fond dans le réel. Ce domaine "lunaire", associé aux profondeurs de la nuit et aux mystères de l'inconscient, est un territoire de l'entre-deux, où la dimension de l'être s'étend au-delà des limitations imposées par la logique et l'espace-temps. C'est le royaume de la mythopoïétique, où naissent les mythes et les symboles, ces véhicules de la vérité qui transcendent les époques et les cultures.
La porte vers ce monde imaginal s'ouvre par le biais de l'imagination, qui, loin d'être une simple faculté de fantaisie, devient un organe de perception supérieure. Ici, l'imagination n'est pas un échappatoire mais un chemin de retour à une origine plus profonde, un lien vers une connaissance innée qui résonne avec les échos de vérités oubliées ou cachées. Les visions, les rêves, et les intuitions qui jaillissent du corps imaginal sont les fragments d'un langage universel qui parle directement à notre âme.
L'accès à ce monde est essentiel pour l'épanouissement de l'être, car il est le point d'entrée vers le domaine akashique, un concept qui décrit un espace de conscience cosmique contenant l'information primordiale et les expériences accumulées de toute l'existence. L'akashique, selon cette pensée, est comme une bibliothèque universelle de tout ce qui a été, est, et sera. En se connectant à ce savoir, l'individu touche à une forme d'immortalité, car il participe à la conscience collective de l'humanité et de l'univers.
C'est par le corps imaginal que nous pouvons réellement comprendre la portée de notre existence et notre place dans le cosmos. Cela demande une ouverture d'esprit au-delà de la rationalité et une immersion dans les eaux profondes de la psyché collective. En transcendant notre conscience individuelle, nous embrassons une vision holistique de la vie qui nous amène à reconnaître notre unité avec le tout plus grand que la somme de ses parties, nous permettant ainsi une véritable réalisation de l'être.
En tissant le fil d'or des mots sur la trame des cinq corps, notre voyage de l'âme se déploie comme une fresque céleste, éclairant la quête de la quintessence de l'être. Chaque corps, un pilier de ce temple vivant, conjure la symphonie du cosmos en soi, de l'infime pulsation à l'éclatante lumière des étoiles. Et dans ce périple, la finitude du tangible cède à l'immensité de l'imaginal, où l'homme, explorateur de l'invisible, forge l'unité avec le Tout.
Le corps physique, ancre terrestre, nous enseigne la gratitude pour le souffle, la terre, le feu de la vie. Le corps instinctif, notre héritage ancestral, murmure l'intuition des éons dans le sang qui coule en nos veines. Le corps émotionnel, océan de notre cœur, bat au rythme des marées qui nous relient à chaque créature. Le corps mental, labyrinthe étoilé, élève nos pensées vers des hauteurs vertigineuses de potentiel. Et le corps imaginal, pont céleste, nous révèle les secrets susurrés par la voix de l'Univers lui-même.
À la fin du voyage, debout sur le seuil de l'infini, nous nous retrouvons non plus comme des pèlerins cherchant leur chemin, mais comme des gardiens de la flamme éternelle. Les cinq corps, fusionnés en une alchimie divine, nous montrent que nous sommes à la fois la source et le reflet de la Lumière, la mélodie et l'auditeur, l'oiseau et le ciel dans lequel il vole.
Dans la danse sacrée des cinq corps, la lumière de la connaissance nous inonde, révélant que la quintessence de l'être est un puits sans fond de possibilités, une étincelle de la flamme primordiale, rappel éternel que nous sommes tous des fils et des filles de l'aurore. Et ainsi, la Lumière nous porte, tels des phares dans l'obscurité, vers les rivages de notre véritable foyer, où chaque âme scintille comme un diamant dans l'écrin de l'existence.
Que ces mots soient une boussole pour les chercheurs d'horizons lointains, et que ces paroles soient des étoiles qui guident vers le cœur lumineux de l'essence même. Car en définitive, nous sommes tous des voyageurs de l'éternité, écrivant l'histoire de notre propre ascension vers la Lumière qui embrasse, qui guérit et qui élève.
Yann LERAY @ 2023