" Ceci m’a été donné par un excellent homme, qui en a vu les expériences & confirmé par un certain manuscrit, qui m’est tombé entre les mains, c’est pourquoi je ne vous le donne pas comme une chose qui vient de moi, & que j’ai fait, bien que j’y aie fait quelque chose, mais comme un arcane, dont je fais une singulière estime, que je réserve de faire à la fin de mes travaux à cause du temps que requiert cet ouvrage.
En voici le procédé :
Mettez le meilleur Miel, qu’on pourra trouver, corrompre au fumier, ou au bain-marie durant quarante jours, après quoi distillez dans un alambic à la vapeur du bain, tout le phlegme qui voudra monter, mettez votre matière aux cendres & en tirez l’esprit, qui est l’élément de l’air, versez le phlegme sur la matière restée réduite en poudre & en tirez la teinture, tant qu’elle n’en voudra plus donner.
Evaporez toutes vos teintures au bain, tirant le phlegme par distillation, il vous restera votre soufre au fond, qui est l’élément du feu, reste maintenant à séparer le sel de la terre, qu’il faut réverbérer & la dissoudre dedans le phlegme la filtrer & cristalliser en un sel admirable, qui est l’élément de la terre.
Vous avez de cette façon tiré l’Elément de l’eau, l’Elément de l’air, & celui du feu par l’eau, & séparé l’Elément de la terre de ses impuretés. Distillez derechef l’esprit pour le rectifier, car comme vous avez séparé les substances par le phlegme, il faut les rejoindre par l’esprit. Dissolvez derechef reprit du soufre. Savoir une partie de soufre sur trois d’esprits, un mois durant, ou tant de temps que tout soit dissout, à laquelle on ajoute son sel.
On peut avec cette admirable essence dissoudre l’or, si on dissout l’esprit avec le sel, il dissout l’argent dans une liqueur potable, qui surpasse tout autre arcane, puisqu’il fait pour ainsi dire rajeunir l’homme, en lui renouvelant le poil, la barbe, les dents, les ongles &c en la, manière, que les Araignées & les insectes se renouvellent tous les ans.
Cette Quintessence où est dissout l’or, & les perles, guérit la Paralysie, la faiblesse des membres, & est un excellent remède pour les hectiques & tabides la dose est de deux ou trois gouttes, dans la quatrième partie d’une cuillerée de Vin.
Le Miel est enfin composé du soufre de la Rosée, c’est pourquoi nous le disons non pas, la résine de la terre mais du Ciel, qui tombe sur les plantes, que le Soleil cuit dans une admirable douceur, & que les abeilles cueillent & achèvent de digérer, & séparer de son soufre combustible qui passe en cire par une admirable providence de la Nature.
Ainsi la Cire est le soufre de l’air, le miel, la partie mercurielle douce, & le sel du même, qui ça est séparé comme la Crème est séparée du Lait.
La différence du Miel ne se prend pas seulement de ses substances, mais de la diversité des abeilles qui l’élaborent, ou de la différence & diversité des plantes, ou de leurs parties, comme de leurs feuilles, de leurs fleurs, ou de leurs fruits.
Il y en a entre les abeilles, qui ne tirent cette manne ou cette douceur que des fleurs, d’autres qui ne le sucent que des feuilles, & les troisièmes que des fruits, les premières qui ne sucent que les fleurs font un miel très excellent & doux comme le sucre, les secondes qui les tirent des fruits le font meilleur encore que celui que les troisièmes tirent des feuilles, qui est un Miel âpre, amer, ingrat, parce qu’elles le tirent avec le vert. Les principales substances dont est composé le Miel sont la Manne l’orche & le trône, lequel miel n’est pas à la vérité dans les fleurs, feuilles & locustes des Arbres, tel que nous l’avons, mais qui ne reçoit sa dernière perfection que dedans l’estomac des abeilles, enfin le miel est aussi différent qu’il y a de contrées différentes, & des plantes différentes, car autre est le Miel de Narbonne, autre celui de la Pouille &c autre est enfin celui qui vient des Roses, des Lys, de la vigne, autre celui des arbres comme le prunier, cognassier, pécher &c. qui ont un sel ou plus âcre, doux, ou amer, purgatif, astringent, de bonne ou de mauvaise odeur &c.
Ce qui fait encore le miel différent, est non seulement la différence des Abeilles, que nous disons nobles, parce qu’elles ne tirent que le bon miel des fleurs champêtres, les ignobles ou citoyennes, qui comme elles sont faméliques tirent le vert avec le doux, les rustiques & les champêtres sont celles qui le tirent des feuilles & locustes des arbres, comme j’ai dit. Bref comme il se fait entre les unes & les autres un mariage, savoir de celles des bois & des champs avec celles des Villes, il s’en fait encore un Miel dissemblable par la longueur ou brièveté de l’hiver qui est plus ou moins chaud, serein & salubre & différent suivant les diverses impressions de l’air, des astres imprimées aux surgeons, & boutons tendres des arbres, comme sont les bruines, brouillards, elles qui altèrent, infectent & gâtent les fruits.
La première préparation qu’on en fait c’est de séparer le Miel de sa cire au Soleil ou au feu, lequel est beaucoup plus doux au Soleil, parce qu’on n’y met pas d’eau, laquelle le rend fort ingrat, ce qui se fait en l’exposant sur un tamis simplement au Soleil, & une grande terrine par-dessous, mais d’autant que ce travail est mécanique, & connu de toute sorte de personnes, il faut en faire & en préparer quelque chose de plus grand par l’Art, qui exalte & porte ses ouvrages plus loin que la Nature, & que Paracelse, Basile Valentin, Raimond Lulle &c. établissent pour une des 4 parties de la Médecine, pour la conservation de la santé & guérison des Maladies. "
Extrait de "La Clavicule de la philosophie hermétique Ou les Mystères des plus Cachés des Anciens & des Modernes sont mis au jour en faveur des Enfants de l’Art, & à la Gloire de Dieu" par T. F. GERON, Docteur en Médecine 1753.