(tout ce qu'il y a à savoir sur l'antimoine)
c’est un minerai métallique, solide, friable, assez pesant, qu'on trouve enfermé dans une pierre dure, blanchâtre, et brillante, qu'on appelle gangue. On en sépare l’antimoine par la fusion, après cette première préparation, on le nomme antimoine crud. Dans cet état il a une couleur de plomb ; c’est pourquoi les Alchimistes l’ont nommé le plomb des Philosophes, le plomb des sages, parce qu'ils ont prétendu que les sages devaient chercher le remède universel et le secret de faire l'or dans l’antimoine.
Il y a différentes sortes d’antimoine natif ; on en trouvé qui a l'apparence du plomb ou du fer poli ; mais il est friable et est mêlé avec une pierre blanche ou cristalline. On en voit qui est composé de petits filets brillants, disposés régulièrement ou mêlés sans ordre ; c’est ce que Pline nomme antimoine mâle ; et il donne le nom d’antimoine femelle à celui qui est composé de lames brillantes. Il y a de l’antimoine natif qui n'est qu'un amas de petits filets de couleur de plomb, tenant à une pierre blanche et tendre : il se fond au feu aussi facilement que du soufre, aussi en contient-il beaucoup ; on en trouve dans le comté de Sainte-Flore proche de Massa, ville de la campagne de Rome. L’antimoine est aussi marqué quelquefois de tâches jaunâtres ou rougeâtres ; il y en a de cette sorte dans les mines d’or de Hongrie.
Le plus souvent l’antimoine est en mine, c’est-à-dire, qu’il est mêlé avec des matières étrangères ; et on croit que c’est pour cette raison, qu’on lui a donné le nom d’antimoine, comme n’étant presque jamais seul : en effet il est toujours mêlé avec des matières métalliques ou des métaux. On donne une autre étymologie du mot antimoine : on a prétendu qu’il avait été funeste à plusieurs moines confrère de Basile Valentin, qui leur en avait fait prendre comme remède ; et que c’était par cette raison qu’on lui avait donné le nom d’antimoine ; comme qui voudrait dire, contraire aux moines.
On trouve presque partout des mines d’antimoine ; il y en a en plusieurs endroit d’Allemagne, comme en Hongrie : nous en avons plusieurs en France. Il y en a une bonne mine à Pégu ; une autre près de Langeat et de Brioude ; une autre au village de Pradot, paroisse d’Aly, qui donne un antimoine fort sulfureux ; elle a été ouverte en 1746 et 1747 : un autre filon d’antimoine au village de Montel dans la même paroisse, en Auvergne. On a trouvé d’autres mines de ce même minéral à Manet, près Montbrun en Angoumois. Il y a de l’antimoine dans les mines de pierre couvise ou pierre couverte d’Auriac, de Cascatel, dans le vallon nommé le champ des mines ; et à Malbois, dans le conté d’Alais, en Languedoc ; à Giromagny et au Puy, dans la haute Alsace ; en Poitou et en Bretagne, etc. On ne voit point chez les marchands d’antimoine qui n’ait été séparé de la mine par une première fusion. Pour tirer ce minéral de sa mine, on la casse en morceaux, et on la met ensuite dans un vaisseau dont le fond est percé de plusieurs trous ; on couvre le vaisseau, et on lute exactement le couvercle : on met le feu sur ce couvercle ; la chaleur fait fondre l’antimoine, qui coule par les trous dont on vient de parler dans un récipient qui est au-dessous, où il se moule en masse pyramidale. C’est l’antimoine fondu, que l’on doit distinguer de l’antimoine natif, c’est-à-dire de l’antimoine qui n’a pas passé au feu. Le meilleur antimoine est celui qui est le plus brillant par une quantité de filets luisants comme le fer poli, et en même temps le plus dur et le plus pesant. Il ne faut pas croire que l’antimoine de Hongrie soit meilleur que celui de France pour l’usage de la Médecine. Geoffroy, Mat. Med. Tom. I.
L’antimoine est composé d’une substance métallique qu’on nomme régule, et d’une partie sulfureuse qui forme environs le tiers de sa masse. Cette partie sulfureuse de l’antimoine est de la nature du soufre minéral ; elle est composée du superflu de son principe huileux de l’antimoine et du superflu de son principe salin, qui est vitriolique : ce soufre est différent du principe huileux, qui concourt à la composition de la partie réguline.
Le mercure a de grands rapports avec cette matière réguline : la terre de l’antimoine est extrêmement légère, comme est celle du mercure. Le soufre s’unit également au mercure et au régule d’antimoine ; de sorte qu’on peut regarder l’antimoine crud comme une espèce de cinabre, composé de la partie métallique de l’antimoine, unie au soufre commun ; de même que le cinabre proprement dit est le mercure uni au soufre, avec lequel il forme des aiguilles. L’antimoine a encore ceci de commun avec le mercure, que l’esprit de sel a autant de rapport avec le régule d’antimoine, qu’avec le mercure.
Plusieurs chimistes regardent la partie métallique de l’antimoine comme un mercure fixé par une vapeur arsenicale. Mais peut-on retirer du mercure du régule d’antimoine ? quelques-uns ont dit que ce mercure qui faisait partie de l’antimoine, était la production de l’opération que l’on fait pour l’en tirer ; d’autres ont assuré que ce mercure était contenu dans l’intérieur de l’antimoine.
Quoiqu’on tire du mercure du régule d’antimoine, il est difficile de mêler du régule d’antimoine avec du mercure ; il faut observer à cette occasion que l’antimoine crud ne peu que très difficilement se mêler au régule, qui se joint facilement au soufre.
Quelques chimistes ont pensé que si on pouvait unir ensemble le mercure et l’antimoine, ce serait un moyen de découvrir de nouvelles propriétés dans ces deux minéraux.
Plusieurs se vantent d’avoir tiré du mercure de l’antimoine : mais aucun ne dit qu’il les ait joints ensemble ; quoiqu’il y en ait, du nombre desquels est Becker, qui aient cherché à purifier le mercure par le moyen de l’antimoine.
L’antimoine contient beaucoup de soufre : cependant il est très difficile de l’unir au mercure, qui se lie aisément au soufre ; parce que le soufre s’attache encore plutôt à l’antimoine, qu’au mercure même. On sait que le régule d’antimoine est un des plus forts moyens qu’on puisse employer pour retirer le mercure du cinabre ; et c’est suivant ce principe que pour faire le cinabre d’antimoine, on enlève premièrement la partie réguline de l’antimoine, pour que son soufre ait la liberté de se joindre au mercure.
Cependant dans la vue d’unir ensemble ces deux matières qui sont d’une si grande importance en Chimie, M. Malouin a fait plusieurs expériences ; et après avoir tenté inutilement différents moyens difficiles et compliqués, il a réussi par d’autres qui sont plus naturels et plus simples, dont il a rendu compte dans un mémoire qu’il donna à l’académie royale des Sciences en l’année 1740. Voyez Ethiops Antimonial.
Si on verse de l’eau forte sur de l’antimoine en poudre grossière, et que pendant la dissolution qui résultera de ce mélange, on y ajoute de l’eau froide, il surnagera aussitôt après la dissolution une matière grasse qui vient de l’antimoine, et que M. Malouin dit, dans son mémoire sur l’union du mercure et de l’antimoine, avoir détaché de l’antimoine par le moyen du mercure.
On peut tirer par la distillation de l’antimoine, faite par une cornue, une liqueur acide, comme on en peut tirer du soufre de la même façon ; et c’est cette liqueur, qu’on peut tirer aussi de l’antimoine, que quelques chimistes ont nommé vinaigre des Philosophes : il y a d’autres préparations de vinaigre d’antimoine ; le plus recommandé est celui de Basile Valentin.
Il y en a qui appellent mercure d’antimoine, le mercure tiré du cinabre d’antimoine mêlé avec la chaux ou le fer, quoique le mercure ne puisse être dit que mercure revivifié du cinabre d’antimoine.
Au reste on trouve dans bien des livres de chimie différents procédés pour faire du mercure avec l’antimoine : mais le succès ne répond pas aux promesses des auteurs ; de sorte que Rolsinckius, et l’auteur incrédule qui a pris le nom d’Udens Udenis, mette ce mercure tiré de l’antimoine au nombre des non être, c’est-à-dire, des choses qui ne sont point. Cependant Becker et Lancelot, dans son ouvrage qui a pour titre Epistola ad curiosos, est fidèle ; et quiconque voudra le suivre exactement, trouvera l’opération embarrassante, mais vraie, suivant la pharmacopée de Brandebourg.
L’antimoine a causé de grande contestation en Médecine. La nature de ce minéral n’étant point encore assez connue, la Faculté fit en 1566 un décret pour en défendre l’usage, et le Parlement confirma ce décret. Paumier de Caen, grand chimiste et célèbre médecin de Paris, ne s’étant pas conformé au décret de la Faculté et arrêt du parlement, fut dégradé en 1609. Cependant l’antimoine fut depuis inséré dans le livre des médicaments, composé par ordre de la faculté en 1637 ; et enfin en 1666, l’expérience ayant fait connaître les bons effets de l’antimoine dans plusieurs maladies, la faculté en permit l’usage un siècle après l’avoir défendu : le parlement autorisa de même ce décret.
Quoique dans tous les temps plusieurs personnes aient cherché à rendre l’antimoine suspect de poison, cependant l’efficacité de ses préparations a prévalu contre leurs efforts.
Ces préventions ont surtout fait appréhender longtemps de le donner crud. Kunkel est un des premiers qui est osé le faire. L’usage intérieur de l’antimoine crud est cité dans Kunkel, Laborator. Chimie. P. 432. Kunkel dit qu’en 1674 il était malade d’un violent rhumatisme : il était alors à Wittemberg, et il consultât sur son état Sennert, grand médecin d’Allemagne, qui lui dit qu’à l’occasion d’une douleur violente et opiniâtre comme était celle dont Kunkel se plaignait, un médecin Italien avait donné avec succès à Vienne, l’antimoine, mais qu’il ne savait pas la préparation qu’on devait faire pour corriger l’antimoine de poison. Kunkel, qui était plus chimiste que Sennert, pensait que l’antimoine ne tenait point du poison ; et il se souvint que Basile Valentin le recommandait pour engraisser les cochons ; il savait qu’on le donnait aux chevaux. Il se détermina à en faire usage, et il le prit pendant sept jours, commençant par cinq grains, et finissant par trente cinq ; ensuite il se reposa trois jours : cela le fit transpirer et uriner : le dixième jour, étant dégoûté de la conserve de rose, dans laquelle il prenait l’antimoine crud porphyrisé, il en fit faire des tablettes avec de l’écorce confite de citron et de la cannelle ; il en prenait chaque jour une tablette divisée en trois parties, dont il prenait une le matin, une autre le midi, et la troisième le soir ; et il se trouva par ce moyen parfaitement guéri au bout d’un mois.
Kunkel dit qu’en 1679, il en prit avec succès pour une fièvre quarte. Il le recommande pour les maladies qui sont accompagnée de paralysie ; pour les fièvres longues qui viennent des mauvaises humeurs, soit que ces fièvres soient intermittentes, soit qu’elles soient continues ; pour les douleurs de goutte ; pour les enfants noüés ; pour les fleurs blanches. Le médecin y joint d’autres remèdes, selon les vues qu’il peut avoir pour la guérison du malade.
L’antimoine crud entre dans la composition de l’antidote de Nicolas Myreptus. Il y a dans la pharmacopée de Brandebourg des tablettes antimoniale, sous le nom de Morsuli restaurantes Kunkelii. Dans chaque gros de ces tablettes il y a cinq grains d’antimoine. Epiphane Ferdinand, hist. 17. Dit que l’antimoine crud est le véritable remède des véroles invétérées.
Presque tous les chimistes, et Paracelse lui-même, disent que les vapeur de l’antimoine sont nuisibles à la santé : pour moi, je pense qu’elle ne sont point empoisonnantes ; j’ai beaucoup travaillé sur l’antimoine, sans jamais en ressentir d’incommodité. On ne doit craindre les vapeurs de l’antimoine, que comme on craint les vapeurs du soufre ; et assurément on ne doit pas fuir les vapeurs du soufre comme les vapeurs arsenicales. M. Lemery, qui a beaucoup travaillé sur l’antimoine, n’en a jamais été incommodé.
M. Lesmant de Rouen, dit qu’on accuse mal à propos l’antimoine de donner des vapeurs nuisibles ;que jamais il n’en a souffert la moindre incommodité, quoiqu’il en est brûlé une prodigieuse quantité ; que les vapeurs de l’antimoine n’affecte la poitrine, que comme le soufre commun l’affecte ; et il ajoute qu’un homme incommodé d’asthme venait continuellement chez lui, pour prendre et manger cette espèce de farine blanche qui se forme lorsqu’on prépare le verre d’antimoine, et que cet homme s’en trouvait bien.
La plupart des médecins attribuent une vertu arsenicale à l’antimoine ; c’est à cette qualité qu’ils rapportent la propriété qu’a l’antimoine de faire vomir : d’autres, avec M.Mender, nient cette qualité arsenicale dans l’antimoine ;et fondent leur sentiment sur ce que le sel de tartre dissout entièrement l’arsenic, et ne peut dissoudre le régule d’antimoine. Le diaphorétique minéral n’a rien de corrosif, il n’a rien qu’on puisse soupçonner d’être arsenical : cependant en rétablissant cet antimoine diaphorétique, on lui redonne toutes les qualités de l’antimoine qu’on attribue à sa propriété arsenicale ; propriété qui n’était pas dans les matières qu’on emploie pour rétablit l’antimoine.
Mais on peut répondre à cela que si le sel de tartre ne dissout pas le régule d’antimoine, ou du moins sa partie arsenicale, c’est qu’elle est intimement unie et comme enveloppée dans la partie métallique ou réguline propre de l’antimoine, que le sel de tartre ne peut dissoudre.
Pour ce qui est du diaphorétique minéral, il est vrai que la matière grasse qu’on emploie pour le rétablir en régule ne contient point de matière arsenicale : mais il y a lieu de croire que dans le diaphorétique minéral se trouvent tous les principes de l’antimoine : que l’antimoine calciné est dans un état à n’être pas vomitif, comme l’antimoine crud n’est pas ordinairement vomitif, quoique l’antimoine crud contienne tout ce qui est extrêmement vomitif dans le régule d’antimoine.
Du temps de Dioscoride, on attribuait à l’antimoine la vertu de resserrer les conduits du corps, de consumer les excroissances des chairs, de nettoyer les ulcères des yeux ; c’est peut être pour cette vertu-ci qu’on le nomme platyophchalmon. Enfin on lui attribuait les même propriétés qu’au plomb brûlé. Dioscoride dit que l’antimoine mis sur les brûlures avec de la graisse fraîche, empêche qu’elles ne s’élèvent en vessie ; que l’antimoine mêlé avec de la cire et un peu de céruse, cicatrise les ulcérations qui ont croûté. L’huile glaciale d’antimoine était connue du temps de Mathiole, qui en parle ; et il paraît parce qu’il dit en même temps, qu’il avait une préparation particulière d’huile d’antimoine, de laquelle il usait, dit-il, heureusement pour les ulcères malins et caverneux.
L’émail jaune de la faïence se fait avec de l’antimoine, la suie, le plomb calciné, le sel et le sable. M. Malouin a trouvé que l’antimoine crud fondu avec le verre, donne au verre une couleur de grenat.
La composition pour faire les caractères de l’imprimerie, est de deux onces de régule d’antimoine avec une livre de plomb.
Les ancien, pour relever la beauté du visage et donner plus de vivacité au teint, formaient les sourcils en arcs parfaits, et les teignaient en noir : ils ajoutaient au paupières la même teinture, pour donner aux yeux plus de brillant. Cet artifice était en usage chez les Hébreux. Jezabel épouse d’Achab, et mère de Joram roi d’Israël, ayant appris l’arrivée de Jehu dans Jezrahel, s’orna les yeux avec l’antimoine. Reg. IX. 30. Cette drogue, dit M. Rollin dans son Histoire ancienne, page 144, rétrécissait les paupières, et faisait paraître les yeux plus grands, ce qui était regardé pour lors comme une beauté. Pline. Liv XXXIII. Chap.vj. De là vient cette épithète qu’Homère donne si souvent aux déesses même, Junon aux yeux de bœuf, c’est-à-dire aux grands yeux.
L’alchimiste Philalète appelle l’antimoine son aimant ; l’acier des Philosophes, le serpent qui dévore les compagnons de Cadmus, le centre caché qui abonde en sel. Voyez Currus triumph. Basile Valentin ; Traité sur l’antimoine de Sala, de Lemery et de Mender : Traité de Chimie de Malouin.
Il faut choisir l’antimoine qui a les plus longues aiguilles et les plus brillantes ; le meilleur antimoine a une couleur bleue tirant sur le rougeâtre, ce qu’on appelle couleur de gorge de pigeon.
L’antimoine est facile à fondre au feu ; et lorsqu’il est en fusion, il est assez fluide. Si on en fait un feu moins fort qu’il ne faut pour le fondre, il se calcine ; d’abord le soufre superflu se dissipe, et ce qui reste en poudre étant fondu, donne le régule d’antimoine. Voyez Régule d’antimoine. Si on continue de le laissé exposé au feu, le principe huileux de la partie métallique de l’antimoine, qui est son régule, se dissipe aussi, et il reste en une espèce de cendre qui fondue fait le verre d’antimoine. Voyez Chaux d’antimoine.
On peut séparer la partie réguline de l’antimoine de la partie sulfureuse, par le moyen de l’eau régale qui en dissout le métallique, et laisse le soufre qui y était mêlé.
Quoique la partie métallique de l’antimoine ait naturellement une grande liaison avec le soufre minéral, cependant celle qu’y ont les autres métaux est encore plus grande : de sorte que si on fond l’antimoine avec quelque métal que ce soit, à l’exception de l’or et de l’argent, le soufre de l’antimoine quittera sa partie réguline pour s’attacher au métal ou aux métaux avec lesquels on l’aura fondu, et la partie réguline restera seule. On se sert ordinairement de ce moyen pour faire le régule d’antimoine ; on l’appelle régule martial, si pour le faire on a employé le fer ; régule jovial, si on a employé l’étain ; régule de Vénus, si c’est le cuivre, etc. On peut aussi se servir de sels alkalis, ou qui s’alkalisent dans l’opération, pour absorber le soufre minéral, et en séparer le régule ; c’est ce qu’on nomme régule ordinaire.
Il ne faut pas croire que ces matières enlèvent simplement le soufre minéral dans l’antimoine : elles s’attachent aussi, quoique moins facilement, à la partie métallique ; c’est pourquoi il y a toujours dans les scories qui se forment dans cette opération, du régule plus ou moins, et le régule prend une partie du métal qu’on a employé pour le séparer du soufre superflu.
Outre ces régules, la chaux et le verre d’antimoine, on prépare communément avec ce minéral l’antimoine diaphorétique ou diaphorétique minéral, le soufre doré d’antimoine, le kermès minéral, le foie d’antimoine, le safran des métaux, le beurre d’antimoine, le bézoard minéral, la poudre d’algaroth ou le mercure de vie, le cinabre d’antimoine, l’éthiops antimonial, le vin émétique, le tartre émétique.
On voit, par tout ce que nous avons dit, que l’antimoine crud contient beaucoup de soufre de la nature du soufre commun ; c’est vraisemblablement par cette partie surtout qu’il est bon dans les maladies de la peau, et dans certaines maladie de poitrine et l’asthme.
Lorsqu’on fait usage de l’antimoine crud, il faut s’abstenir de tout ce qui est aigre, autrement on aurait des nausées et de défaillances. M. Malouin a fait l’expérience que le vin blanc dissout l’antimoine : et quoique l’antimoine, dans son état naturel, soit plutôt bienfaisant que malfaisant, cependant il est pernicieux lorsqu’il est dissout : il a cela de commun avec le plomb, qui est amis des chairs tant qu’il est dans son état naturel, et qui est fort mauvais lorsqu’il est dissout. Ayant mis du vin blanc en digestion sur de l’antimoine crud en poudre, ce vin prit un goût cuivreux et de rouille de fer : M. Malouin en ayant goûté, trouva que le peu qu’il en avala l’incommode fort ; ce qui lui ôta l’espérance qu’il avait de trouver, pour la guérison de certaines maladies longues, une teinture d’antimoine crud faite par le vin. Il se propose d’éprouver si on ne peut point faire un baume d’antimoine anisé, ou térébenthiné, ou autre, comme on fait un baume de soufre anisé, etc.
Ces observations conduisent à ne pas donner l’antimoine crud à ceux qui ont des aigres dans l’estomac et dans les humeurs, qu’on n’ait auparavant adouci et purgé ces humeurs : souvent il est à propos de joindre à l’antimoine crud des absorbants, ou des alkalis, comme la nacre de perle, le corail, les yeux de moules nettoyées et porphyrisée.
Il se trouve des occasions où il est utile de joindre l’antimoine crud au safran de Mars, comme pour les personnes du sexe qui ont le sang gâté, et qui n’ont point leurs règles ; on leur donne, par exemples, huit grains de safran de Mars préparé à la rosée, mêlés avec quatre grains d’antimoine crud réduit en poudre fine : les Médecins varient les doses et les proportions de ses deux remèdes, selon les circonstances.
On fait un grand usage de l’antimoine crud dans les tisanes, comme dans celles de Callac, de Vinache, etc. On met ordinairement dans ces tisanes une once d’antimoine pour chaque pinte d’eau ; on le casse auparavant en morceaux, et on le met dans un linge, qu’on lie avec un fil, pour en faire un noüet ; le même noüet sert toujours pour refaire la tisane.
Lorsqu’on met de l’antimoine dans les tisanes, il ne faut pas y faire bouillir de vin, comme on fait quelquefois, pour les employer dans des cas de paralysie, à la suite d’apoplexies sérieuse. Voyez la Chimie médicale, chez d’Houry, à Paris.
Réduisez en poudre l’antimoine ; mettez-le dans un plat de terre non vernissé sur un feu modéré, mais capable de faire fumer l’antimoine sans le mettre en fusion. Si votre feu est fort, et que vous n’ayez pas soin de remuer sans cesse la poudre d’un et d’autre côté, une partie amollira, s’amassera et se grumellera : si vous vous apercevez que la matière soit ainsi grumelée, ôtez-la de dessus le feu ; mettez-les grumeaux dans un mortier et les réduisez en poudre ; remettez ensuite la poudre sur le feu ; achevez la calcination avec plus de précautions. La calcination sera faite quand la poudre ne fumera plus, qu’elle ne donnera aucune odeur, et qu’elle sera blanchâtre ; alors jetez-la dans un creuset entre des charbons ardents ; couvrez le creuset ; faites un feu violent pendant environ une demi-heure, en soufflant, afin que la matière entre plus promptement dans une parfaite fusion, plongez-y une verge de fer ; si vous ne trouvez aucune résistance vers le fond du creuset, et qu’ayant retiré la verge vous voyiez que la matière file au bout, et qu’y étant refroidie, elle soit transparente, retirez aussitôt le creuset du feu ; versez la matière fondue sur un marbre chauffé ou dans une bassine plate de cuivre ; laissez refroidir, et vous aurez ce qu’on appelle verre d’antimoine.
Ce verre est cassant, sans goût, sans odeur, transparent, d’une couleur jaune tirant sur le rouge, c’est à dire la couleur hyacinthe.
Le fer rétablit en régule l’antimoine calciné. Si on remue longtemps avec une verge de fer la chaux d’antimoine fondue, on trouvera au bout de la verge de petits globules de régule.
L’antimoine calciné perce les creusets par le fond ; un creuset ne peut donc servir plusieurs fois à faire le verre d’antimoine.
On fait encore du verre d’antimoine avec le régule en le calcinant de la même manière. M. Sthal dit même que celui de régule est plus pur que celui d’antimoine crud.
Si l’on veut que le verre d’antimoine soit transparent, il faut aussitôt que l’antimoine est calciné, le mettre dans un creuset pour le fondre ; il faut même choisir un temps serein, ou quand on le fond y jeter un peu de soufre ou de nitre.
Il y en a qui, quand le verre est obscur, le broient, le calcinent et le refondent. D’autres en tirent la teinture par l’esprit de vert de gris, et après l’avoir fait sécher, le refondent.
Plus le verre d’antimoine est blanc, moins il est émétique. On fait de ce verre des tablettes et des pastilles vomitives et purgatives.
Le moclique ou le remède contre les coliques de Plombier et de Peintre, est fait de verre d’antimoine et de sucre en poudre mêlés, dont on fait une pâte en humectant le mélange. Voyez Remède de la Charité.
Le verre d’antimoine est plus ou moins émétique, selon qu’il est plus ou moins broyé. On le donne depuis un grain jusqu’à cinq. Voyez Chimie Médicinale.
Prenez parties égales d’antimoine crud et de nitre, le tout en poudre et mêlez ensemble. Mettez ce tout dans un mortier chauffé et couvert d’une terrine percée par le fond ; introduisez dans le mortier, par cette ouverture, un charbon ardent, il se fera dans l’instant une grande détonation ; cette détonation passée et les vaisseaux refroidis, retirez la matière, séparez les scories de la partie luisante et rougeâtre. Cette partie luisant et rougeâtre sera le foie d’antimoine.
Ou mettez partie égale d’antimoine et de nitre en poudre dans un creuset entre des charbons ardents ; couvrez le creuset ; laissez au feu le matière jusqu’à ce quelle soit dans une parfaite fusion ; versez la ensuite dans un mortier chauffé. Observez que dans cette opération il ne faut pas employer un salpêtre raffiné, mais de première cuite.
On obtient encore le foie d’antimoine avec de l’alkali et de l’antimoine crud, qu’on fond ensemble, comme pour le foie de soufre.
On donne le foie d’antimoine depuis un grain jusqu’à six. Plus on met de nitre, quand on le fait, moins il est émétique. Observez en général, quand vous le ferez, de couvrir le vaisseau et de retenir les scories, parce que plus il se formera de scories, plus le foie sera beau. Il est appelé foie à cause de sa couleur.
Prenez un gros de cire jaune dans une cuillère de fer ; faites la fondre ; ajoutez-y ensuite une once d’antimoine en poudre fine, le verre se fondra aisément à la cire ; remuez continuellement jusqu’à ce que le mélange ait une couleur de tabac ; retirez alors du feu ; ce remède sera bon pour les dissentries, dans lesquelles on peut employer l’émétique.
Pour obtenir le safran des métaux, mettez en poudre le foie d’antimoine, laissez-le deux ou trois jours exposé à l’air dans un lieu humide, puis versez de l’eau chaude dessus, remuez ; laissez reposer ; renversez l’eau claire ; lavez ainsi plusieurs fois la poudre qui tombe au fond de l’eau : quand elle sera toute dessalée, laissez-la sécher ; dans cet état ce sera une poussière jaune safranée, qu’on a nommée, à cause de sa couleur, safran des métaux.
Si vous retirez le sel des eaux dans lesquelles vous avez lavé le safran des m étaux, ce sel sera un nitre antimonial, que quelque uns appellent anodyn minéral, qu’on peut employer dans les fièvres ardentes et dans les inflammations.
Outre ce sel, la lessive du safran des métaux contient le véritable foie d’antimoine ou foie de soufre d’antimoine, ou la partie de l’antimoine, qui, jointe à la partie du nitre alkalisée, forme un foie de soufre qui tient en dissolution une partie du régule de l’antimoine ; et cette partie réguline de l’antimoine devient dissoluble dans l’eau par le foie de soufre, qui est capable de dissoudre si parfaitement les métaux, l’or même, que par ce moyen ils se fondent dans l’eau, et peuvent ensuite passer avec elle par le filtre.
Ainsi ce que l’eau ne dissout pas lorsqu’on lave le safran des métaux, est une partie de l’antimoine qui n’est dissoute que superficiellement pat la partie du nitre alkalisée, qui n’est point allié au soufre pour faire le foie. Voyez Chim. Med.
On tire une espèce de kermès minéral de la lessive du safran des métaux ; pour cet effet versez-y du vinaigre ou de l’esprit de nitre, et il se précipitera une poudre rouge orangée, semblable à ce qu’on nomme soufre doré d’antimoine.
Le safran des métaux est émétique ; Ruland en faisait son eau bénite, en prenant une once de safran des métaux qu’il faisait infuser dans une pinte d ‘eau de charbon bénit et une demi-once d’eau de cannelle. Cette liqueur est émétique, sudorifique, et cordiale.
Régule médicinal ; prenez cinq onces de bon antimoine crud, quatre onces de sel commun, une once de tartre, le tout en poudre fine : mêlez ; jetez peu à peu ce mélange par cuillerées dans un creuset rougi entre les charbons ardents ; attendez pour jeter une seconde cuillerée que la précédente soit fondue. Quand tout le mélange sera fondu, augmentez le feu afin que la fusion soit comme l’eau ; laissez-la un quart d’heure dans cet état ; retirez le creuset du feu et laissez-le refroidir sans y toucher ; cassez le creuset, vous trouverez au fond le régule et les scories dessus : séparez le régule des scories, il sera luisant et noir comme de la poix, et quand il est pulvérisé, il est rougeâtre.
Si on fait l’opération dans un vaisseau de terre, le régule au lieu d’être noir, ressemblera parfaitement à la mine rouge d’argent la plus parfaite, et sera plus facile à triturer que s’il avait été fait au creuset.
Le régule se distingue du foie, en ce qu’il ne s’humecte pas à l’air et que la poudre en est rouge.
Prenez une livre d’antimoine crud, douze onces de tartre, et six once de nitre, le tout en poudre : mêlez et laissez sécher : prenez-en un cuillerée, que vous jetterez dans un creuset rougi entre des charbons ; couvrez le creuset, il se fera une détonation : la détonation passée, vous ajouterez une autre cuillerée, et ainsi de suite, après quoi vous augmenterez le feu ; et quand la matière sera bien fondue, vous le verserez dans un mortier que vous aurez chauffé et graissé en dedans : vous frapperez avec des pincettes les côtés du mortier pendant que la matière y refroidira, pour que la partie réguline tombe au fond. Quand le tout sera refroidi, séparez le régule des scories vous pulvériserez le régule vous le ferez refondre dans un autre creuset ; vous y jetterez un peu de salpêtre : vous renverserez votre matière fondue dans le mortier ; vous l’y laisserez refroidir, et vous aurez le régule simple d’antimoine.
On fait des gobelets de ce régule, mais il faut pour cela un régule bien pur. On en fait une boule qu’on appelle boule des breques. Il sert aussi à composer des balles qu’on nomme pilules perpétuelles.
On verse le soir un demi-verre de vin dans les gobelets, et on boit le vin le lendemain matin. On met la boule dans un petit verre de vin, qu’on prend le matin ; ces vins purgent par haut et par bas. Les pilules perpétuelles sont pernicieuses.
Mettez quatre onces de petits clous de fer dans un creuset que vous placerez au milieu d’un fourneau à fondre ; couvrez le creuset, et l’entourez de charbon.
Quand les clous seront rouges et commenceront à blanchir, ajoutez neuf onces d’antimoine concassé ; recouvrez le creuset ; remettez dessus du charbon ; donnez quelques coup de soufflet, afin que l’antimoine et les clous fondent : alors jetez, en trois petites cuillerées, une once de nitre pesée, après l’avoir purifié et séché ; recouvrez le creuset après la projection de chaque cuillerée. Lorsque la matière sera en une fonte liquide comme l’eau, versez-la dans un mortier ou dans un cône afin de faciliter la chute du régule ; laissez refroidir ; séparez les scories du régule ; pulvérisez le régule ; refondez-le ; quand il sera en fusion, ajoutez un gros de salpêtre pur et sec pour chaque once de régule ; réitérez encore deux fois la fusion, séparant toujours le régule des scories, et la mettant dans une fusion parfaite, surtout la dernière fois. Il faut que les scories ne paraissent plus jaunes à la dernière fusion ; c’est une marque que le régule ne contient plus sensiblement de fer.
Les premières scories du régule martial étant mises en poudre grossière, exposées à l’air dans un lieu humide et à l’ombre, et réduites ainsi en une poussière fine, sont lavées dans plusieurs eaux ; si l’on verse ces lessives sur un filtre, le safran restera sur ce filtre, et il faudra le faire sécher : on mêlera ensuite avec trois fois autant de nitre ; on en fera la projection par cuillerées dans un creuset rougi au feu ; on le lavera pour en ôter toute la salure, et l’on aura le safran de mars antimonial de Stahl.
Le régule martial entre dans la composition du régule des métaux dont on se sert pour faire le lilium.
Zanichelli se servait aussi du régule martial pour faire ses fleurs d’antimoine argentines. Pour cet effet il mettait du régule martial dans le fond d’un creuset ; il ajustait un couvercle qui entrait en partie dans le creuset. Ce couvercle était percé au milieu ; il couvrait ce couvercle d’un autre proportionné à l’ouverture du creuset ; il en lutait les jointures ; il mettait le régule en fusion par le feu qu’il faisait autour du creuset ; il s’élevait par ce moyen des fleurs blanches comme des branches d’arbre.
Mais il est plus facile de prendre une demi-livre d’éthiops antimonial, fait avec un quarteron de mercure et autant d’antimoine crud broyé ensemble ; d’ajouter à l’éthiops deux onces de limailles de fer ; de mettre le tout dans une cornue de verre lutée, dont les deux tiers restent vides ; de donner tout à coup un feu du second degré sous la cornue, et d’élever et augmenter le feu pendant cinq heures ; au bout de ce temps l’opération sera faite. Si on casse la cornue par le cou, on y trouvera des espèces de cristaux d’une grande blancheur qui sont la neige d’antimoine. Ce procédé est de M. Malouin ; en cherchant autre chose, il trouva que pour avoir cette neige il ne s’agissait que de mettre deux parties d’antimoine crud et une partie de limaille de fer dans une cornue à feu nu.
Régule de Vénus. Prenez trois onces de cuivre de rosette en petits morceaux ; mettez-les dans un creuset, que vous placerez dans un fourneau à vent au milieu des charbons ardents ; couvrez ce creuset ; ajoutez du charbon dans le fourneau jusqu’à par dessus le creuset : quand le cuivre sera prêt à fondre, ajoutez trois onces de régule martial d’antimoine cassé en petits morceaux ; recouvrez le creuset ; quand la matière sera dans une fusion parfaite, écartez les charbons, découvrez le creuset, retirez-le du feu, ensuite versez dans un mortier chauffé et graissé ; vous aurez par ce moyen un régule de couleur purpurine, qu’on nomme régule de Vénus.
Régule jovial. Prenez parties égales d’étain et de régule martial de la première fusion, l’étain coupé en limaille et le régule concassé : mettez d’abord le régule dans le creuset ; et quand il sera fondu, ajoutez-y l’étain, et remuez avec une verge de fer. Quand tout sera en fusion, versez dans le mortier, et laissez refroidir : vous aurez le régule jovial, qui est de couleur d’ardoise.
Régule des métaux. Mêlez ensemble parties égales de régule de Vénus et de régule jovial en poudre : mettez le mélange dans un creuset entre les charbons ardents ; couvrez le creuset, et ajoutez-y encore du charbon : quand vous jugerez que la matière sera fondue, vous découvrirez le creuset et vous la sonderez avec une verge de fer. Si vous la trouvez fondue, versez-la dans un mortier, et vous aurez le régule des métaux.
Si vous prenez parties égales de cuivre, de fer, d’antimoine, et d’étain, vous aurez le régule violet.
Ceux qui disent que le régule des métaux doit être composé de cinq métaux, comptent le zinc pour le cinquième.
Voyez à l’article Lilium, cette préparation d’antimoine.
Voyez aussi à l’article Kermès, cette autre préparation d’antimoine.
Voyez Diaphorétique Minéral.
Prenez une partie d’antimoine crud, deux parties d’alkali du tartre, le tout en poudre et mêlez ensemble : mettez le mélange dans un creuset, que vous placerez dans un fourneau au milieu des charbons ardents : couvrez le creuset, laissez le tout en fonte pendant une heure ; conduisez le feu doucement d’abord ; versez la matière fondue dans une poêle ou dans un chaudron de fer, chauffés ; quand la matière commencera à refroidir, cassez-la en petits morceaux plats, que vous mettrez dans un matras ; versez de l’esprit de vin dessus à la hauteur d’environ deux doigts : ajustez au matras un vaisseau de rencontre ; vous laisserez en digestion jusqu’à ce que l’esprit de vin soit bien teint, ce qui se fait ordinairement en vingt quatre heures : versez ensuite par inclinaison la teinture. On peut mettre de nouvel esprit de vin sur ce qui reste dans le matras pour en tirer encore de la teinture : on mêlera ces teintures et on les filtrera.
Pour s’assurer que la teinture est d’antimoine, il y faut laisser tomber quelques gouttes de vinaigre ; il s’en élèvera une mauvaise odeur, et il se précipitera une poudre antimoniale.
La teinture antimoniale purifie les humeurs ; aussi réussit-elle dans les cas de langueur, pour le scorbut, et dans les suites des maladies vénériennes. On la prend depuis trois gouttes jusqu’à douze, dans deux ou trois cuillerées de thé, de bouillon, ou autre liqueur, et on y revient plusieurs fois par jour.
Prenez les scories du régule ordinaire d’antimoine, ou faites fondre une partie d’antimoine crud, avec deux parties de l’alkali de tartre ; exposez-les à un air humide pendant un jour ou deux : faites bouillir à grande eau pendant une demi heure les scories, ou l’antimoine divisé par les alcalis, ou le restant de la teinture d’antimoine ; car ce restant peut aussi servir dans cette occasion. Filtrez cette décoction ; laissez-y tomber quelques gouttes de vinaigre en différents endroits ; il se fera un précipité en une espèce de caillé. Versez le tout dans un entonnoir garni d’un filtre, et rejetez ce premier précipité. Prenez la liqueur qui aura coulé au travers du filtre, et versez-y comme la première fois du vinaigre ; vous aurez un second précipité que vous séparerez par un nouveau filtre : réitérez cette opération jusqu’à quatre fois : versez plusieurs fois de l’eau sur ce qui restera dans le filtre pour le dessaler : enfin sécher cette poudre, et vous aurez ce qu’on appelle le soufre doré d’antimoine.
Le soufre d’antimoine des premières précipitations est jaune brun ; celui des précipitations suivantes est jaune rouge, il devient enfin doré ; et celui des dernières est jaune clair.
Il y a, comme on voit, plusieurs soufres dorés d’antimoine : mais ils sont tous en grande réputation ; ils passent pour une panacée, ou un remède universel dans presque toutes les maladies. Mais leur vertu a toujours paru suspecte à plusieurs médecins, à cause des parties régulines que ces remèdes contiennent : car ils font vomir fort souvent ; d’autres fois ils purgent par bas, tandis que dans d’autres cas ils poussent seulement par la peau, ou ne produisent aucune évacuation sensible.
Le soufre doré s’ordonne le plus souvent avec l’huile d’amandes douces, ou dans quelque conserve, telle que celle de violette, de fleurs de bourrache ou d’aunée, en forme de bol. Sans entrer dans le détail empirique de ses vertus, il suffit de savoir qu’elles dépendent de ses facultés : or celles-ci sont les mêmes que celles de l’hépar sulfuris, chargé de quelque substance métallique. Le soufre divisé par les alkalis est apéritif, atténuant, fondant, expectorant, désoppilatif, tonique, et fortifiant. Il peut diviser les humeurs visqueuses, tenaces et glutineuses : et par conséquent il peut lever les obstructions des viscères du bas-ventre, telles que celles du foie, de la rate, de la matrice, et du poumon ; ainsi il sera un excellent remède dans les pâles couleurs et dans la suppression des règles.
Le soufre doré est donc emménagogue, hépatique, mésentérique, béchique, fébrifuge, céphalique, diaphorétique, et alexipharmaque. Mais comme il peut être chargé de quelques parties régulines, il devient émétique, surtout si l’estomac se trouve gorgé d’acides ; il peut les évacuer ; son action devenant plus énergique : si d’ailleurs il est donné à grande dose, il se développera davantage ; et les circonstances tirées de sa partie réguline, et des acides nichés dans les premières voies, ne feront que contribuer à le rendre de plus en plus émétique.
On peut dans cette intention l’ordonner à quatre grains dans une potion huileuse, à dessein de faire vomir dans une fièvre violente, dans un engorgement du poumon. On le donne par cuillerée ; et il fait de grands effets. Donné à moindre dose, depuis un grain ou demi-grain jusqu’à deux, et de même en potion et par cuillerée, il est bon pour détacher les humeurs lentes, les diviser, et provoquer les sueurs et la transpiration. C’est pour cela qu’il est si efficace dans les maladies du poumon, dans la suppression des crachats et de la morve, et de là dans tous les rhumes de cerveau, de la gorge et de la poitrine.
Aussi la plupart des grands praticiens, accoutumés à l’employer dans les cas les plus difficiles et plus ordinaires, ne se font pas de peine de le regarder comme un remède universel.
Le kermès minéral ou soufre doré, fait par ébullition, se donne avec succès dans les maladies qui sont soupçonner de malignité. C’est ainsi que dans la petite vérole, la rougeole, la fièvre miliaire, et autres de cette nature, dans les inflammations des viscères avec malignité, on l’ordonne comme alexipharmaque, en le mêlant avec les autres remèdes bésoardiques, les terreux et les absorbants ; comme les yeux d’écrevisse, les coraux, les perles, les coquilles d’œuf, les concrétions thériacales et alexitaires.
L’illustre M. Geoffroy s’en est servi avec succès dans les fièvres intermittentes des enfants, en l’associant avec le sel fébrifuge de Sylvius, le sel d’absinthe, ou le tartre vitriolé.
Schroder dit qu’il l’a employé avec succès dans l’acrimonie de la sérosité et de la lymphe lacrymale, pour guérir la chassie, les ophtalmies, de même que pour adoucir des douleurs scorbutiques, et arrêter des fluxions sur les poumons, qui mettaient les malades dans un danger éminent.
Hoffman, et de grands praticiens après lui, l’ont employé dans toutes les maladies chroniques des viscères, en le mêlant avec d’autres remèdes : c’est ainsi que joint au nitre, il devient un excellent spécifique dans l’hydropisie.
Veut-on guérir l’épilepsie et les maladies spasmodiques ? le soufre doré, joint au cinabre, agit comme un remède calmant.
Veut-on attaquer le scorbut ? on peut marier le soufre doré avec les sels neutres, avec les antiscorbutiques.
Veut-on arrêter des pertes ou des dévoiements ? joignez le soufre doré avec les absorbants ; enveloppez le tout dans la confection hyacinthe, et vous aurez un remède assuré dans ces maladies.
Ce médicament convient même dans les maladies inflammatoires de la poitrine et du poumon, et dans tous les cas où le sang épais engorge les vaisseaux ; mais il faut d’abord administrer les remèdes généraux.
Juncker le regarde comme préservatif assuré contre le catarrhe suffoquant, et contre d’autres maladies où la sérosité et la mucosité surabondante tendait à détruire le ressort des viscères et de la poitrine : aussi son action s’est elle terminée dans ces cas par des évacuations sensibles, telles que vomissement, les selles, la sueur, et la transpiration, quoique souvent il ait agi sans exciter aucune évacuation bien marquée.
L’usage indiscret du soufre doré d’antimoine, ou du kermès, cause de grand s désordres ; il nuit beaucoup aux pléthoriques, à tous ceux qui ont le sang âcre et enflammé ; comme aussi aux phtisiques, aux gens délicats, et attaqués de vielles obstructions, et à tous ceux qui sont menacés de rupture de vaisseaux, de crachement de sang, et d’autres maladies du poumon. On ne doit point l’employer d’abord dans tous ces cas ; il faut auparavant sonder le terrain, et recourir aux remèdes généraux, qui sont la saignée, la purgation réitérée, les lavements, les tisanes, ou boissons délayantes et adoucissantes, ou antiphogistiques.
Enfin comme ce remède n’est pas toujours de même main, que tous ne le travaillent pas comme il faut, c’est au médecin à bien connaître celui qu’il emploie, et à savoir ses effets ; par exemple, s’il excite le vomissement ou non, s’il est fort chargé de régule ou non. Tous les remèdes antimoniaux demandent à cet égard la même précaution.
D’ailleurs, quelque fut la précaution, elle serait toujours à craindre dans plusieurs cas, ainsi que l’expérience l’apprend tous les jours : de là vient que de grands praticiens redoutent encore ce remède comme un poison, et ne veulent point l’employer qu’ils ne soient bien assurés de l’état du poumon, du pouls, des forces, du tempérament du malade ; et d’ailleurs ils savent recourir aux correctifs de ce remède, lorsqu’il a trop fatigué le malade ; ils ont soin d’employer les huileux, les opiatiques, les adoucissants, et autres remèdes capables de brider l’action trop violente de ce stimulant.
Prenez une partie de régule d’antimoine, et deux parties de sublimé corrosif, le tout réduit en poudre et mêlé ensemble ; chargez une cornue jusqu’à la moitié ; que cette cornue ait le cou large et court ; placez cette cornue dans un bain de sable ; ajustez-y un récipient ; lutez les jointures, et donnez un feu modéré : il distillera une matière épaisse, qui est le beurre d’antimoine. Il prend ensuite une consistance huileuse, et comme glacée ; ce qui lui a fait donner le nom d’huile glaciale d’antimoine.
Cette huile est quelquefois si épaisse qu’elle ne coule point, et s’amasse dans le cou de la cornue : alors il en faut approcher un charbon. Si on laisse le mélange de sublimé et de régule exposé à l’air avant de que de distiller, on aura un beurre plus liquide.
Quand on apercevra des vapeurs rouges, il faudra déluter les jointures du récipient, et augmenter le feu. Il passera des vapeurs qui se congèleront dans l’eau qu’on aura mise dans le second récipient : ce sera du mercure coulant revivifié du sublimé corrosif.
Si on réitère la distillation du beurre d’antimoine, il vient plus clair, et l’on a ce que l’on appelle le beurre d’antimoine rectifié. Plus il est rectifié, plus il est clair.
Il est d’une nature très ignée et corrosive, au point d’être un poison lorsqu’on l’avale : on s’en sert à l’extérieur comme caustique, afin d’arrêter le progrès des gangrènes, des caries, des cancers, etc. Voyez Caustique.
Digéré avec trois fois son poids de très fine poudre, il fait la teinture de pourpre antimoine, secret infiniment estimé par M. Boyle, comme un souverain vomitif.
Le même beurre se précipite, au moyen de l’eau chaude en poudre blanche, pesante, ou chaux appelée mercurius vitae, et poudre d’algaroth, qui est censé être un violent émétique. Voyez Algaroth.
Du beurre d’antimoine se prépare aussi le bésoard minéral, en dissolvant le beurre corrigé avec l’esprit de nitre : ensuite séchant la matière dissoute, appliquant encore de l’esprit de nitre, et le réitérant une troisième fois, la poudre blanche qui demeure enfin entretenue presque rouge environ demi-heure, est le bézoardicum minéral. Voyez Besoard.
Prenez trois parties de sublimé corrosif, et deux d’antimoine crud, le tout réduit en poudre et mêlé ; mettez le mélange dans une cornue dont la moitié reste vide ; et après y avoir ajusté un récipient, donnez un feu doux d’abord, qui fera distiller le beurre d’antimoine. Quand vous apercevrez les vapeurs rouges, délutez, et changer de récipient : poussez le feu dessus et dessous la cornue, jusqu’à ce qu’elle rougisse, dans l’intervalle de trois heures : laissez ensuite éteindre le feu, et refroidir les vaisseaux. Cela fait, vous trouverez le cinabre d’antimoine sublimé à la partie supérieur de la cornue vers son cou, mettez ce cinabre sur un feu de sable en digestion, il deviendra plus rouge et plus parfait.
Si vous faites fondre du beurre d’antimoine en l’approchant du feu, et que vous le versiez dans l’eau chaude, il s’y dissoudra, l’eau se troublera et blanchira ; ensuite il se précipitera une espèce de poussière blanche : décantez la liqueur, lavez la poussière qui reste au fond dans plusieurs eaux ; faites-la sécher, et vous aurez la poudre d’algeroth, et selon d’autre, d’algaroth. C’est Victor Algeroth, Médecin de Vérone, qui est l’auteur de cette poudre, qu’on appelle aussi mercure de vie et poudre angélique. Elle purge violemment ; et l’on peut y recourir quand les autres émétiques ont été employés sans effet. Sa dose est depuis un grain jusqu’à huit dans les maladies soporeuses, l’apoplexie, l’épilepsie, etc. Voyez à Bésoard Minéral cette préparation d’antimoine.
Est un antimoine pulvérisé et sublimé dans un aludel ; ses parties volatiles s’attachent au pot à sublimer. Voyez Fleur et Sublimation.
C’est un puissant vomitif, d’une singulière efficacité dans les cas de manie, et le grand remède à quoi plusieurs sont redevable de leur grande réputation.
On fait une autre sorte de fleur de régule d’antimoine avec le sel antimonial sublimé comme devant ; ce qui fait un remède tant soit peu plus doux que le précédent. Van-Helmont nous donne aussi une préparation de fleurs d’antimoine purgatives. Voyez Diaphorétique Minéral.
Ces fleurs sont sudorifiques et diaphorétiques ; on en fait usage dans les fièvre malignes et éruptoires, et toutes les fois qu’il est besoin de pousser par la peau. On les ordonne aussi dans les fièvres intermittentes peu de temps avant l’accès. La dose est de dix grains.
Mais souvent ce remède excite le vomissement ; et n’est pas si sur qu’on le pense.
Ou purgatif de Van-Helmont. Prenez dix huit grains d’antimoine diaphorétique, seize grains de résine de scammonée, sept grains de crème de tartre ; faites du tout une poudre menue.
Cette poudre se prend sans la mêler avec aucun acide : et si elle faisait trop d’effet, on modérerait son action par le moyen d’un acide. On doit la donner avant l’accès des fièvres intermittentes, et ménager si bien le temps, que son opération finisse un instant avant le temps que l’accès à coutume de venir. Elle guérit toujours la fièvre quarte, si l’on en croit Van-Helmont, avant la quatrième prise, et toutes les fièvres intermittentes et continues. Mais ses effets ne sont pas si surprenants que ce Chimiste l’a fait accroire.
Est le régule distillé avec de l’esprit de nitre dans un fourneau de sable : ce qui demeure après que toutes les fumées sont épuisées, est une poudre blanche, qui étant doucement lavée, est la céruse que l’on cherche. Elle est diaphorétique, et plusieurs la mettent sur le même pied que le bésoard minéral.
Antimonium ressuscitatum, se prépare avec les fleurs d’antimoine, et le sel ammoniac digéré en vinaigre distillé, ensuite exhalé, et le demeurant adouci par l’ablution : il est émétique, quelquefois sudorifique, et bon dans les cas de manie.
Toutes ces préparations d’antimoine, quelque âpre qu’il soit tout seul, peuvent néanmoins être gouvernées de sorte qu’elles n’opèrent que peu ou insensiblement. L’effet n’en sera aperçu que quand elles auront passé dans les plus petits vaisseaux ; et c’est alors qu’elles ont la vertu de combattre la goutte, la vérole et les écrouelles, etc. Voyez Purgatif.
Le magistère ou précipité d’antimoine fait par l’esprit de nitre, étant bien édulcoré par plusieurs effusions d’eau bouillantes, purge et fait vomir comme le kermès, à la dose de trois ou quatre grains ; et le même magistère fait avec l’eau régale ordinaire, étant de même bien lavé, purge par les selles à la même dose ; et donné à la dose de un grain, il agit comme diaphorétique. Ce remède a été donné avec succès dans les hôpitaux à de petits enfants attaqués de maladies d’obstruction et de fièvre ; ils en ont été soulagés et guéris en prenant ce remède à la dose d’un grain, et le répétant selon le besoin.
Le kermès minéral est un vrai magistère d’antimoine, ou une précipitation de soufre doré ; et ce kermès bien rectifié, n’est pas différent de l’antimoine dissout par un alkali quelconque, dont on aura eu soin de séparer la partie réguline. Voyez Kermès Minéral.
Prenez de l’antimoine de Hongrie marqué de belles aiguilles, et brillant, divisez-le sur le porphyre, lavez-le plusieurs fois et faites-le sécher ensuite dans une étuve ; porphyrisez de nouveau cette poudre, et mêlez-la avec autant de sucre, jusqu’à ce qu’on n’aperçoive plus le brillant.
Cette poudre est vantée depuis longtemps comme un spécifique excellent dans plusieurs maladies du poumon, et surtout dans l’asthme : c’est un fondant excellent.
Kunkel s’en est servi avec succès par le conseil de Sennert, comme on l’a dit ci-dessus.
Cette poudre se réduit en tablettes avec le sucre rosat ; et ces tablettes sont connues dans quelques villes d’Allemagne sous le nom de tablettes de Kunkel, surtout à Francfort et à Nuremberg.
Ces tablettes sont bonnes pour le rachitis et la nouûre des enfant, pour l’obstruction des glandes et dans les fleurs blanches. On en fera bien de les joindre avec des alkalis fixes, et d’interdire aux malades les acides pendant leur usage.
Il y a un grand nombre d’autres préparations d’antimoine dont il sera fait mention à leurs articles particuliers.
En Médecine, préparations d’antimoine, ou médicaments dont l’antimoine est la base ou le principal ingrédient. Voyez Antimoine.
Les antimoniaux sont principalement d’une nature émétique, quoiqu’ils se puissent préparer de sorte qu’ils deviennent, soit cathariques, soit diaphorétiques, ou même seulement altératifs. Voyez Emétique, Catharique, Antimoine, etc.
Le Docteur Quincy nous assure qu’il n’est point dans la Pharmacie de remède qui leur soit comparable dans les affections maniaques ; nul émétique ou catharique d’aucune espèce n’étant assez fort pour de telles maladies, si ce n’est en dose outrée, qui pourrait être dangereuse. Voyez Manie.
On dit qu’une tasse antimoniale faite, soit de verre d’antimoine ou d’antimoine préparé avec du salpêtre, quoiqu’elle soit par elle-même une substance difficile à dissoudre, donne une forte qualité catharique ou émétique à toute liqueur qu’on y verse, sans qu’il en résulte la moindre diminution du poids de la tasse même.