La parabole mystique du semeur

24 Février 2025 , Rédigé par Yann Leray Publié dans #Spiritualité, #Traditions

L’Évangile de Thomas

Saint Thomas, signifiant « jumeau » en araméen, est mentionné comme l'un des douze apôtres de Jésus dans les évangiles synoptiques (Matthieu, Marc, Luc) ainsi que dans celui de Jean. L'Évangile de Thomas, un texte apocryphe non reconnu par l'Église romaine, fut écarté après le concile de Nicée au IVème siècle, période durant laquelle l'empereur Constantin Ier ordonna la destruction des écrits non conformes aux nouveaux dogmes établis. Ce texte fut redécouvert par accident par des bergers à la fin de l'année 1945 à Nag Hammadi, en Haute-Égypte, préservé dans un codex qui incluait également d'autres écrits en copte. Le manuscrit date du IVème siècle, bien qu'il repose probablement sur un original en grec, des fragments duquel ont été retrouvés dans les papyrus d'Oxyrhynque datant du IIIème siècle.

Qualifié de gnostique de par sa quête de vérités cachées, l'Évangile de Thomas comprend 114 « logia » (loggion au singulier) ou paroles attribuées à Jésus-Christ, qui délivrent des messages profonds à caractère spirituel et mystique.

Loggion 9

« Jésus a dit : Voici que le semeur sortit. Il remplit sa paume, il jeta. Quelques graines en fait tombèrent sur le chemin ; les oiseaux vinrent, ils les picorèrent. D’autres tombèrent sur la rocaille et ne prirent pas racine dans la terre ni ne firent lever d’épis vers le ciel. Et d’autres tombèrent sur les épines ; elles étouffèrent la semence et le ver la mangea. Et d’autres tombèrent sur la bonne terre ; elle donna un bon fruit vers le ciel : il en vint soixante par mesure et cent vingt par mesure. »

Dans ce passage de l’Évangile de Thomas, Jésus livre une parabole dont la portée dépasse une simple leçon sur la nature du sol et des semences. C'est une invitation à comprendre le cheminement intérieur de l'âme humaine, à saisir la nature de la vérité divine et à percevoir la façon dont la lumière de la connaissance sème en nous ses germes.

Le semeur : L’envoyé de la Lumière

Le Semeur, figure centrale de cette allégorie, est à la fois le Verbe divin et celui qui cherche à éveiller les âmes à la connaissance. Il sort, il emplit sa paume, il jette… mais le destin des graines varie. Ainsi en est-il de la Sagesse céleste qui se répand sur le monde : tous ne la reçoivent pas de la même manière.
Les graines représentent les semences de l’illumination, les étincelles de la vérité qui descendent sur la Terre. Pourtant, leur destinée est déterminée par la nature du terrain qui les reçoit, c'est-à-dire par l’état intérieur de celui qui les perçoit.

Les quatre types de sols : Les états de conscience de l’Homme

Jésus décrit quatre destins différents pour les graines semées. Chacun correspond à un état d’âme face à la connaissance divine.

Les graines tombées sur le chemin

Ici, la semence ne pénètre même pas la terre. Elle est laissée en surface et aussitôt dérobée par les oiseaux. Le chemin symbolise l’esprit distrait, l’être encore englué dans le tumulte du monde, incapable de recevoir la vérité. Les oiseaux, figures des influences extérieures futiles et des illusions, picorent cette Lumière avant qu’elle ne puisse germer. Cette graine représente la sagesse divine qui glisse sur l’indifférence, l’ignorance ou le matérialisme.

Les graines tombées sur la rocaille

La rocaille évoque le cœur endurci, celui qui perçoit une lueur de vérité mais ne peut l’ancrer en lui. Il s’émerveille un instant devant la Lumière, mais son sol aride et dur ne permet pas à la semence de prendre racine. L’homme de la rocaille est celui qui entrevoit la voie spirituelle, mais dont l’ego, les doutes et le manque d’engagement l’empêchent de la suivre véritablement.

Les graines tombées parmi les épines

Ici, la semence trouve un sol où s’enraciner, mais elle est étouffée par les épines. Ces épines représentent les préoccupations du monde, les attachements, les peurs et les désirs qui engloutissent la Lumière intérieure. C’est l’âme partagée entre la quête du divin et les exigences de l’existence terrestre. Elle reçoit la vérité, mais celle-ci est déformée, dévorée par le ver, symbole du doute et de la corruption.

Les graines tombées sur la bonne terre

Enfin, il y a la terre fertile, celle qui reçoit pleinement la semence et lui permet de fructifier. Ici, l’âme est prête. L’être a préparé son sol intérieur, purifié son esprit et aligné son cœur avec la vérité. La semence croît, s’élève vers le ciel, et produit un fruit abondant. Les nombres mentionnés, soixante par mesure et cent vingt par mesure, indiquent une multiplication exponentielle du savoir divin en celui qui s’ouvre à la Lumière.

Un message d’éveil : Que fait-on de la Lumière ?

Jésus, à travers cette parabole, nous pousse à interroger notre propre sol intérieur. Sommes-nous comme le chemin battu, la rocaille, la terre encombrée d’épines ou la bonne terre ?
La sagesse divine est semée en permanence dans le monde, sous forme de signes, de paroles, d’inspirations subtiles. Mais tout dépend de la disposition de l’âme qui les reçoit. L’homme éveillé est celui qui laboure son propre être, qui arrache les ronces, qui écarte les pierres et ses résistances et qui ouvre son sol à la Lumière céleste.

Lorsque la semence de la connaissance germe en nous, elle ne se contente pas de croître : elle fructifie en abondance, dépassant largement ce qui a été semé. La conscience éveillée ne se contente pas de recevoir la vérité, elle la répand, elle ensemence d’autres âmes, amplifiant ainsi la Lumière divine dans le monde.

Devenir à notre tour des semeurs

La parabole du semeur ne se limite pas à l’image d’une Lumière divine se répandant dans le monde : elle nous invite à devenir à notre tour des semeurs de cette Lumière. Jésus ne nous enseigne pas seulement la nature des cœurs qui reçoivent la vérité, il nous appelle à être les porteurs de cette vérité, à jeter les graines du divin avec abondance, sans retenue, sans calcul.

Si le semeur s’arrêtait à la crainte de voir ses graines perdues, s’il s’interrogeait sur la qualité du sol avant même de semer, il se priverait d’accomplir son œuvre sacrée. Il ne nous appartient pas de juger où la vérité germera, mais de la répandre avec foi. L’amour et la sagesse doivent être donnés comme le soleil dispense sa lumière : librement, à tous, sans distinction. Car ce qui est semé avec générosité ne se perd jamais ; au contraire, ce qui est offert avec foi et amour revient toujours en multiplication.

Ainsi, la parabole du semeur n’est pas seulement une invitation à comprendre comment la vérité est reçue : elle est un appel à en devenir les porteurs, les jardiniers du Royaume, les diffuseurs inlassables de Lumière.

C’est dans cet esprit que résonne l’aphorisme de Matthieu 13:12 :

« On donnera à celui qui a, et il sera dans l’abondance, mais à celui qui n’a pas, on ôtera même ce qu’il a. »

Cette phrase, souvent mal interprétée, ne parle pas d’une injustice divine, mais d’un principe spirituel fondamental : plus nous donnons, plus nous recevons ; plus nous retenons, plus nous nous appauvrissons. Celui qui s’ouvre à la Lumière et la partage voit son propre feu intérieur grandir. Celui qui refuse de semer, par peur ou par calcul, finit par perdre même la petite lueur qu’il avait.

L’appel du semeur : Ne pas craindre la dispersion

Nous sommes tous appelés à devenir des semeurs. Semeurs d’amour, de Lumière, de sagesse, de bienveillance. Notre rôle n’est pas de juger le sol, mais de jeter la semence, encore et encore, inlassablement, à pleines mains et avec foi.

Parfois, notre parole tombera sur des cœurs fermés, et les oiseaux du doute ou du mépris viendront l’emporter.

Parfois, elle trouvera un écho, mais l’épreuve viendra l’arracher, faute d’enracinement profond.

Parfois, elle sera reçue avec joie, mais les ronces des préoccupations du monde l’étoufferont.

Et parfois, elle tombera dans une âme prête, et là, elle portera un fruit au-delà de toute attente.

Mais peu importe où la semence atterrit, car chaque graine jetée est une offrande à l’univers, et la multiplication appartient à Dieu.

Vivre dans l’abondance spirituelle

Le véritable semeur ne s’épuise pas, car il ne puise pas dans ses propres réserves : il canalise la Lumière infinie. Il donne, non par devoir, mais par nature, car il sait que plus il sème, plus il est lui-même nourri. C’est le secret de ceux qui vivent dans l’abondance intérieure : ils ne cherchent pas à accumuler, mais à partager.

L’amour ne s’épuise pas lorsqu’il est offert ; il grandit. La sagesse ne se dissipe pas lorsqu’elle est transmise ; elle se renforce. La lumière ne s’éteint pas lorsqu’elle éclaire autrui ; elle brille encore plus fort.

L’engagement du semeur : Un acte de foi

Nous ne sommes pas appelés à attendre le moment parfait, ni à chercher le terrain idéal. Nous sommes appelés à semer, ici et maintenant, avec confiance et générosité. Que ce soit par nos paroles, nos gestes, notre bienveillance ou simplement par notre présence, chaque jour nous offre une opportunité d’ensemencer le monde d’un peu plus d’amour.

Mais notre mission ne s’arrête pas à semer. Nous sommes aussi appelés à veiller sur les germes de Lumière qui naissent, à arroser les jeunes pousses de la vérité, à protéger les tendres feuilles de l’amour contre les vents du doute et les ronces de la peur. Un véritable semeur devient un jardinier de Dieu, attentif à l’épanouissement de chaque âme touchée par la semence divine. Par notre patience, notre écoute et notre présence bienveillante, nous aidons ceux qui grandissent sur le chemin spirituel à prendre racine et à s’élever vers la Lumière.

Ainsi, ne nous soucions pas du destin immédiat de chaque graine, mais engageons-nous aussi à prendre soin de celles qui germent. Car en offrant la Lumière autour de nous, nous devenons nous-mêmes plus lumineux. En répandant l’amour, nous devenons amour.

Alors semonçons sans crainte, cultivons avec amour, et la moisson sera infinie. 

Yann LERAY @ 2025

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P
Merci pour ce message de toutes beauté,<br /> Merci pour tous vos généreux partages<br /> Merci pour toutes ls semences que vous dispensez.<br /> Bien à vous
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