L’Égo

29 Octobre 2025 , Rédigé par Yann Leray Publié dans #Spiritualité

La colle du vivant et le pont vers l’unité

L’égo n’est pas l’ennemi.
Il est cette colle subtile qui relie, parfois douloureusement, les multiples fragments de notre humanité.
Il tente d’unifier les strates contradictoires de notre être, héritées, acquises, instinctives, mentales, émotionnelles ou spirituelles, pour maintenir la cohérence du « je ».
Mais cette cohérence n’est pas harmonie : elle est tension, friction, mouvement permanent entre nos parts divergentes.
C’est dans ces frictions que l’égo trouve sa raison d’être ; et c’est aussi dans leur apaisement qu’il trouve sa rédemption.

Les Couches de l’Être : les multiples royaumes intérieurs
Les programmations génétiques

Elles forment la base de notre incarnation.
Nous y trouvons les mémoires ancestrales, l’héritage de notre lignée familiale, les influences ethniques, culturelles, et même géographiques.
Notre corps, nos instincts primaires, notre tempérament, nos prédispositions biologiques y sont inscrits.
Ces programmes ne sont pas que physiologiques : ils portent les traces des liens de sang, les fidélités inconscientes, les répétitions générationnelles.
Ils tissent la toile de fond sur laquelle s’écrivent toutes nos expériences.

Les programmations instinctives

Elles sont l’écho de l’animal en nous, cette part archaïque qui assure notre survie.
Elles se manifestent à travers les pulsions, les réactions hormonales, les peurs, les désirs, les traumatismes non résolus et les mécanismes de défense.
Elles sont vitales : elles nous maintiennent vivants.
Mais lorsqu’elles ne sont pas éclairées, elles deviennent tyranniques, dictant nos comportements au détriment de notre conscience.
Elles appartiennent au royaume de Mars, celui de l’instinct brut et du combat intérieur.

Les parties émotionnelles

Elles forment le tissu de notre sensibilité.
Désir, colère, tristesse, joie, honte, culpabilité, compassion…
Les émotions sont les langages du corps de l’âme.
Elles nous informent sur nos états intérieurs, mais aussi sur les dissonances entre nos parts.
Lorsqu’elles ne sont pas reconnues, elles stagnent ; lorsqu’elles sont accueillies, elles deviennent alchimiques, transformant le plomb de la douleur en or de compréhension.

Les parties mentales

Le mental inférieur raisonne, analyse, juge, compare, contrôle.
Le mental supérieur, lui, contemple, ordonne, conceptualise, médite.
Entre les deux se joue une guerre subtile : celle de la raison contre l’intuition, du contrôle contre la confiance.
Le mental est un outil merveilleux, mais mal dirigé, il se fait tyran.
Bien dirigé, il devient architecte du temple intérieur, au service de la Sagesse.

L’imaginale, la sphère de l’âme créatrice

C’est la part de nous qui perçoit l’invisible, qui rêve, imagine, pressent et prie.
C’est le royaume de la créativité, de la connexion, de la foi et de la spiritualité vivante.
C’est dans cette sphère que réside le lien avec le Soi, cette étincelle divine qui ne commande pas mais inspire.
Elle est le feu secret de l’alchimiste intérieur, la force d’union entre le fini et l’infini.

Les Tensions du Vivant : la fragmentation de l’être

Ces parties de nous interagissent sans cesse.
Lorsqu’elles vont dans des directions opposées, la tension psychique augmente.
Notre instinct peut désirer quelque chose que notre morale refuse ; notre mental veut comprendre ce que notre cœur veut simplement ressentir.
Ces divergences créent un champ de forces où l’égo agit comme un médiateur.
Mais quand ces forces sont trop puissantes, l’égo se crispe : il se replie sur lui-même, cherche à contrôler, à dominer, à s’affirmer pour ne pas se dissoudre.

C’est alors qu’il devient souffrant.
Il se nourrit de tout ce qu’il trouve pour se renforcer : l’orgueil, la peur, le jugement, le pouvoir, la comparaison, la justification.
Il cherche de la puissance là où il manque de paix.

La Fonction de l’Égo : Gardien du seuil

L’égo n’est pas un obstacle ; il est un gardien.
Sa mission première est de préserver la cohérence du Moi, d’éviter la dispersion, la folie ou la dissolution prématurée de la conscience.
Il protège notre individualité le temps que celle-ci apprenne à s’unifier.
Il est le ciment du temple : nécessaire tant que les pierres ne tiennent pas d’elles-mêmes.

Mais lorsque nous commençons à guérir nos divisions intérieures, l’égo peut alors déposer les armes.
Il cesse d’être le roi du royaume pour devenir le serviteur du Soi.
Ce retournement est la véritable transmutation : le passage du plomb de la séparation à l’or de l’unité.

La Réconciliation des Parties : l’Art Royal de l’Unité

Le véritable travail spirituel n’est pas de tuer l’égo, mais de réunir ce qui est épars.
Il s’agit d’harmoniser nos multiples parts, de réduire les divergences par la conscience et l’amour.

Ce chemin est celui du Grand Œuvre intérieur.

Il demande :

  • De transmuter les épreuves en expériences.
  • De libérer les peurs, les jugements et les besoins de contrôle.
  • De pardonner, à soi, aux autres, à la vie.
  • D’accepter le monde tel qu’il est, non pour se résigner, mais pour le comprendre.
  • De développer l’amour inconditionnel, qui ne cherche plus à posséder, mais à unir.

À mesure que ces réconciliations s’opèrent, l’égo retrouve son rôle originel :

  • Celui de chef d’orchestre de nos parts humaines et subtiles.
  • Il ne domine plus ; il coordonne.
  • Il devient le miroir poli dans lequel se reflète la lumière du Soi.
Le Mariage du Moi et du Soi : l’Alchimie finale

Lorsque l’égo cesse de lutter contre la vie, il s’ouvre à la Lumière.
Il comprend qu’il n’est pas le centre, mais le canal par lequel la conscience divine peut s’exprimer dans la matière.
Alors s’accomplit le mariage du Moi et du Soi, la coniunctio des alchimistes et des mystiques.
Le Moi, apaisé, se tait pour entendre la voix du Soi ; et le Soi, par amour, descend dans la matière pour l’illuminer.

Ainsi, l’égo devient le levier du Grand Œuvre.
Il n’est plus l’ombre qui cache la Lumière, mais le support, le creuset, sur lequel elle se reflète.
Il n’est plus l’obstacle, mais le pont entre l’humain et le divin.

L’Égo, Serviteur du Divin

Tuer l’égo est une absurdité spirituelle, car il est l’expression même du vivant.
Sans lui, il n’y a ni incarnation, ni conscience, ni apprentissage.

Le véritable chemin n’est pas la destruction, mais la transfiguration : faire passer l’égo de la peur à la foi, du contrôle à la confiance, de la séparation à l’unité.

Quand l’égo s’incline devant l’âme, alors le cœur s’ouvre, et la Lumière peut descendre jusque dans la matière.

C’est là le sens du Grand Œuvre humain : 

Unifier le ciel et la terre en soi,

pour que l’Amour devienne la seule loi.
 

Yann LERAY @ 2025

 

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A
Merci Yann très éclairant <br /> Incroyable de simplicité et d'évidence<br /> Comme toujours
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E
Merci Yann d'apporter tant de votre Lumière , illuminant nos sentiers de chercheur et de serviteur.
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D
Un texte d’une rare profondeur, qui réhabilite l’égo non comme un obstacle à la vie spirituelle, mais comme un médiateur indispensable entre les multiples strates de notre humanité. J’ai particulièrement apprécié la manière dont vous articulez les tensions internes — instinct, émotion, mental, imaginal — et leur rôle dans le Grand Œuvre intérieur. Cette approche alchimique, loin des injonctions simplistes à « dissoudre » l’égo, invite à une réconciliation patiente et consciente de nos parts fragmentées.<br /> <br /> Votre métaphore du « ciment du temple » est parlante : elle évoque un égo qui soutient sans dominer, qui coordonne sans tyranniser. Le retournement du roi en serviteur du Soi est une image puissante, qui mérite d’être méditée. Merci pour cette contribution lumineuse, qui allie rigueur symbolique et souffle poétique.
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M
Merci YANN !!!!! Heureuse de t'avoir rencontré !!!! Encore MERCI
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M
Cher Yann, <br /> À l'instar de la goutte d'huile qui, à la surface de l'eau irise, cette goutte de lumière que tu dispense éclaire mon chemin.<br /> Les voiles s'amincissent, les ombres laissent placent à la netteté <br /> Encore Merci <br /> Fraternellement 🙏<br /> Marc D
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