Dans les plis sombres de l'histoire, le symbole de la crucifixion de Jésus est devenu bien plus qu'une simple représentation de sa mort : il est une icône gravée dans la conscience collective de la société occidentale, rappelant incessamment des notions telles que le péché originel, la souffrance nécessaire pour la rédemption, et les concepts effrayants du purgatoire, de l'enfer, et du jugement dernier. Cette imagerie, fortement promue par l'Église romaine au fil des siècles, a servi un agenda spécifique : maintenir les fidèles dans une obéissance craintive, souvent au détriment des enseignements les plus lumineux de Jésus.
La crucifixion de Jésus Christ reste l'un des symboles les plus puissants et les plus chargés de l'histoire chrétienne. La croix, représentation de la souffrance extrême et du sacrifice ultime, occupe une place centrale dans la théologie chrétienne, souvent au détriment des enseignements de vie et d'amour que Jésus a impartis durant son ministère. La narration biblique, en particulier dans les Évangiles, présente la crucifixion non seulement comme un acte de rédemption mais aussi comme un précepte central pour comprendre la totalité du message christique.
Dans l'Évangile selon Jean, Jésus lui-même annonce la nécessité de sa mort: "Si le grain de blé tombé en terre ne meurt, il reste seul; mais s'il meurt, il porte beaucoup de fruit" (Jean 12:24). Cette métaphore agraire souligne la mort comme une étape nécessaire à la nouvelle vie, à la renaissance spirituelle de l'humanité. La mort de Jésus est présentée non seulement comme un sacrifice pour les péchés du monde, mais aussi comme un modèle de l'abnégation ultime nécessaire pour suivre ses voies.
L'accent mis sur la mort plutôt que sur la vie peut paraître sombre, mais il s'agit d'un aspect fondamental pour beaucoup de croyants qui y voient la preuve de l'amour profond de Dieu pour l'humanité. Comme le dit Jésus, "Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis" (Jean 15:13). Cette déclaration est souvent interprétée comme la justification de la souffrance et du sacrifice comme chemins vers la rédemption personnelle et collective.
Cependant, cette concentration sur la mort et le sacrifice peut éclipser les autres aspects du ministère de Jésus, tels que son commandement d'aimer les autres comme il nous a aimés. Ce message d'amour universel, bien qu'il soit au cœur du christianisme, est parfois relégué au second plan, submergé par les thématiques du péché et de la punition éternelle. Le risque ici est de réduire la richesse de l'enseignement de Jésus à une transaction cosmique autour de la mort, perdant ainsi de vue son appel vibrant à vivre dans l'amour inconditionnel et la joie partagée.
La proposition de "décrucifier" le Christ vise à libérer son message des interprétations strictement axées sur le sacrifice et la souffrance, pour mieux explorer et mettre en lumière ses enseignements sur l'amour, la compassion et la présence divine. Cette approche ne cherche pas à minimiser l'importance de sa mort, mais à rééquilibrer notre perception de son héritage spirituel en mettant un accent plus marqué sur ses paroles et actions durant sa vie.
Dans l'Évangile selon Matthieu, Jésus exprime clairement ce commandement d'amour : "Vous avez entendu qu'il a été dit : 'Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi.' Mais moi, je vous dis : aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent" (Matthieu 5:43-44). Cet enseignement transcende la notion traditionnelle de justice pour promouvoir une vision radicale de l'amour universel, un élément fondamental souvent éclipsé par les images de souffrance et de sacrifice.
Dans le même esprit, Jésus souligne la présence constante de Dieu, non comme une force extérieure et punitive, mais comme une source d'amour et de soutien interne. Dans Jean 14:16-17, il promet à ses disciples : "Et moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre consolateur pour être avec vous pour toujours, l’Esprit de vérité, que le monde ne peut recevoir, parce qu’il ne le voit pas et ne le connaît pas. Vous le connaissez, car il demeure avec vous, et il sera en vous." Cette assurance de la présence continue de Dieu renforce l'idée que la foi ne devrait pas être vécue dans la peur, mais dans la reconnaissance de cette présence divine omniprésente et bienveillante.
Jésus a constamment invité ses disciples et ses auditeurs à reconnaître et à célébrer cette présence d'amour. Par exemple, lorsqu'il parle de la façon dont Dieu prend soin même des moineaux, il rassure ses disciples en disant : "Ne craignez donc point : vous valez plus que beaucoup de passereaux" (Matthieu 10:31). Cela illustre que la relation avec Dieu, selon Jésus, est basée sur la valeur et l'amour, pas sur la peur du jugement.
Redéfinir l'image de Jésus pour mettre en avant une spiritualité moins axée sur le dogme et plus ouverte aux valeurs universelles de compassion, de tolérance, de paix, et d'amour, pourrait transformer profondément la pratique de la foi chrétienne. Ce changement de perspective est essentiel dans un monde moderne en quête de sens et de connexion authentique.
L'Évangile selon Matthieu nous offre une vision claire de cette compassion lors de la guérison d'un lépreux. Jésus, touché par la souffrance de l'homme, étend sa main et le guérit, disant : "Je le veux, sois purifié" (Matthieu 8:3). Ce geste symbolise non seulement la guérison physique mais aussi une restauration de la dignité et de l'humanité, illustrant ainsi l'essence de la compassion qui devrait caractériser la foi chrétienne.
Dans ses enseignements, Jésus a souvent mis l'accent sur la tolérance et l'amour pour l'autre, même au-delà des frontières sociales et ethniques. Un exemple frappant est la parabole du Bon Samaritain (Luc 10:30-37), où Jésus utilise l'exemple d'un étranger qui aide un homme blessé pour illustrer le véritable amour du prochain, défiant les préjugés et les barrières sociales de son temps. Cette histoire est un appel puissant à l'amour inconditionnel et à l'action compassionnelle au-delà des limites établies.
L'invitation à vivre dans la paix se retrouve également dans les paroles de Jésus. Dans le sermon sur la montagne, il déclare : "Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu" (Matthieu 5:9). Cette béatitude souligne l'importance de la quête de la paix, non seulement comme un état intérieur mais aussi comme un principe actif dans la vie quotidienne des croyants.
La mise en pratique de ces enseignements dans la vie quotidienne signifie adopter une approche de la foi qui célèbre la vie et l'amour plutôt que de se focaliser sur la mort et le sacrifice. Comme le dit Jésus : "Je suis venu afin qu'ils aient la vie, et qu'ils l'aient en abondance" (Jean 10:10). Cette affirmation puissante de Jésus encapsule l'essence de ce que pourrait être une spiritualité renouvelée : une invitation à vivre pleinement, enrichis par un amour profond et authentique.
Dans les échos d'une spiritualité transformée, où les chaînes du dogme et de la souffrance ont été brisées, nous redécouvrons un message éternel, porteur de lumière et d'amour infini. Décrucifier le Christ, c'est se tourner vers un horizon où chaque lever de soleil est une promesse de renouveau, où chaque geste d'amour est un reflet du divin. C'est embrasser un christianisme qui chante la joie de la foi, célébrant Dieu non pas comme un juge impitoyable, mais comme la source ultime d'amour inépuisable.
Au cœur de cette vision renouvelée se trouve un appel à vivre selon l'amour inconditionnel. "Dieu est amour, et celui qui demeure dans l'amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui" (1 Jean 4:16). Ces mots ne sont pas seulement des paroles; ils sont une invitation à une transformation profonde de l'être, où la peur et le doute sont remplacés par l'assurance et la joie de l'amour divin.
L'espérance est cet élan vers le futur, une lumière qui guide à travers les ténèbres, promettant que même les moments les plus sombres sont temporaires et que la lumière reviendra toujours. Dans la décrucifixion, cette espérance se manifeste par la certitude que notre compréhension de Dieu évolue vers quelque chose de plus grand et de plus beau, quelque chose qui ressemble davantage à une étreinte qu'à un jugement. "Je vous ai dit ces choses, pour que ma joie soit en vous, et que votre joie soit complète" (Jean 15:11). La joie de Jésus est notre héritage; elle est le phare qui nous guide.
La foi n'est pas un fardeau, ni une série d'obligations lourdes à porter. Elle est la célébration de la vie elle-même, une danse joyeuse sous les étoiles, un chant d'amour qui résonne dans le silence de l'univers. En détachant Jésus de la croix et en le replaçant au cœur de notre quotidien, nous redécouvrons la foi comme elle était destinée à être : un chemin joyeux, pavé d'amour et de miracles quotidiens, où chaque moment est un acte de foi en la bonté omniprésente de Dieu.
En décrucifiant le Christ, nous ne le libérons pas seulement de la croix; nous nous libérons nous-mêmes des chaînes de la peur et de la culpabilité. Nous ouvrons grand les portes de nos cœurs à l'amour qui ne connaît ni fin ni condition. Cette spiritualité renouvelée, énergisée par l'amour, l'espérance et la foi, ne demande qu'à être vécue pleinement et passionnément.
C'est une invitation à tous ceux qui cherchent, à tous ceux qui doutent, à tous ceux qui aiment : venez et voyez, venez et aimez, et laissez la joie de cette foi transformée être votre force et votre lumière. En cette ère nouvelle, chaque acte d'amour est une prière, chaque geste de compassion est une louange, et chaque jour vécu dans l'amour est une ode à la joie divine. Dieu est Amour, et en cet amour, nous trouvons notre véritable liberté et notre joie sans fin.
Yann LERAY@2024